une ballade qui date un peu mais quand je me relis, je retrouve vite les sensations éprouvées pendant mon séjour. Est ce à dire que ce serait les mêmes si je devais y retourner ? non sans doute.... à votre tour de vous y rendre pour vous faire votre avis :=)
Beyrouth
Ville chatoyante sous le soleil méditerranéen, avec ses ombres et sa lumière, nichée sur les rives du Levant, à l'étroit et malgré tout plutôt à l'aise entre cet Orient compliqué et cet Occident bien alambiqué, se jouant tantôt de l'un, tantôt de l'autre, tirant à la libanaise parti de ce qui lui permet de survivre. Petit Liban, mais pas si petit si on considère sa notoriété au regard de la surface géographique qu'il occupe. Ilot qui paraît égaré au milieu de cet océan moyen-oriental en ébullition.
Je suis arrivée à Beyrouth fin août 2006, à bord du premier avion de ligne autorisé à se poser à l'aéroport, après la guerre de 33 jours que se sont livrée Israël et le Liban au cours de ce fameux été 2006. La ville était désertée de ses habitants, soit parce qu'ils s'étaient retranchés dans leurs maisons (portes et volets clos) soit pour les plus chanceux ou les plus aisés, parce qu'ils avaient réussi à quitter le pays pour se mettre à l'abri en attendant des jours meilleurs. L'embargo maritime prit fin mi-septembre et timidement, les grilles des magasins se sont levées, les beyrouthins sont sortis, humant l'air et l'atmosphère, histoire de se rendre compte si ce serait une accalmie ou quelque chose de plus durable. Rapidement, j'ai commencé mes promenades à pied dans Beyrouth.
Point de départ : Achrafieh, quartier chrétien, dont la place Sassine constitue le coeur battant. Quartier occidental, vivant, animé, on oublierait presque qu'on est au Moyen-Orient, non par l'animation qui imprègne Beyrouth où que l'on soit, mais par l'ambiance, les commerces modernes, le centre commercial ABC point d'ancrage de toute Libanaise, habillée et maquillée avec soin, désireuse d'acquérir les dernières nouveautés occidentales et de venir chercher une bouffée climatisée et aseptisée de cet occident envié et sans doute rêvé. De fait, les occidentaux et particulièrement les Français s'y retrouvent bien avec notamment la librairie "chez Antoine" qui permet de se procurer les journaux, magazines, et livres français (mais aussi anglophones) tout juste publiés. Un Américain un peu perdu retrouvera vite ses repères sur la place Sassine en dégustant un latte, au Starbuck près de l'ABC.
On quitte Achrafieh pour rejoindre le centre ville, par la rue de Damas, en remontant vers le nord est de la ville.. Ce centre ville, totalement réhabilité, par et grâce à la volonté et aux efforts et finances de Rafic Hariri, ancien Premier ministre, assassiné le 14 février 2005, première victime d'une longue série d'attentats sanglants qui ont frappé Beyrouth en plein coeur au cours des années qui ont suivi. Il faut savoir que Beyrouth pendant la guerre civile a été séparée par une ligne de démarcation "naturelle" : la route de Damas, barrant la ville du nord est vers le sud, séparant le côté est, chrétien, du côté ouest musulman. Et les snipers s'en sont donné à cœur joie sur les cibles qui s'approchaient de cette ligne. Aujourd'hui, cette démarcation n'existe plus, mais elle a marqué les coeurs et les esprits assez profondément pour qu'il en reste des réflexes notamment dans la répartition géographique de ses habitants : à l'est, les chrétiens, majoritairement, à l'ouest, les musulmans, en majorité. Mais, Beyrouth garde malgré tout cette mixité orient-occident, mise en danger partout ailleurs dans le monde et spécifiquement au Moyen-Orient. On reprend donc le cours de la promenade à travers le centre ville, refait à neuf et quasi à l'identique de ce qu'il était avant la guerre civile. Tout y est propre, neuf, beau et même luxueux, on y sent l'argent, l'aisance voire la richesse. Mais j'y trouve une forme d'uniformité dans l'architecture des bâtiments à deux ou trois niveaux, de couleur ocre dans ce "centre ville". Les rues sont agréables et permettent aux piétons de déambuler tranquillement. Des arcades protègent les vitrines des commerces et restaurants de la chaleur de l'été. Le promeneur en profite. Le touriste, souvent originaire du Golfe, vient se détendre à Beyrouth et y trouve à la fois l'ambiance orientale et le luxe des commerces pour y faire ses achats. Les Libanais aisés s'y retrouvent aussi. Pourtant, ce centre ville si beau soit-il se vit comme un îlot dans la ville. Certes on y trouve le coeur politique du Liban avec l'Assemblée des Députés, place de l'Horloge, ou encore le Sérail, siège du gouvernement. Cependant ce coeur politique ne me paraît pas correspondre complètement au coeur libanais qui préfère s'éparpiller entre les différents quartiers de la ville, chacun selon son coeur, sa confession, ses racines familiales, son clan. Cet esprit clanique est encore très présent au Liban. Il permet sans doute aux familles de mieux résister aux tensions qui s'exercent sur le plan politique. A contrario, il l'empêche sans doute aussi de chercher au-delà du clan, les alliances nécessaires au bien du pays et du peuple libanais pour former un tout cohérent, particulièrement face aux pressions qui s'exercent de l'extérieur.
Ce qui explique sans doute pourquoi il est si difficile d'élire un nouveau Président de la République, à chaque fois que le mandat de celui en exercice prend fin. Les Libanais pourront-ils, sauront-ils un jour, surmonter l'organisation confessionnelle de leur vie politique qui veut que le Président de la République soit chrétien, le Premier ministre musulman sunnite et le Président de l'Assemblée des Députés, musulman chiite, ce qui réduit sensiblement les possibilités de trouver un choix commun à tous les Libanais et aussi de "brasser" les cartes politiques d'une façon dynamique (mais finalement, dans d'autres pays qui fonctionnent différemment, ce "brassage" dynamique est-il toujours assuré ?) Toutefois, au Liban, cette organisation politique permet aux chrétiens d'espérer être représentés de façon conséquente par le Président de la République, rien de moins. Il faut savoir en effet, que d'année en année, de décennie en décennie, la démographie aidant et l'émigration en sus, les chrétiens ne sont sans doute plus assez nombreux pour espérer voir leurs choix politiques validés dans les urnes. Les musulmans qu'ils soient chiites ou sunnites ayant pour eux une démographie favorable. Qu'en sera-t-il donc de l'avenir des chrétiens au Liban, surtout si l'on considère le sort fait aux chrétiens alentours ?
Reprenons notre balade beyrouthine en remontant vers la Corniche. Contournons le luxueux Phoenicia, hôtel de prestige qui accueille la crème des visiteurs, on arrive presque aussitôt là même où Rafic Hariri a perdu la vie, le 14 février 2005, dans un attentat qui a marqué les esprits, et le début d'une nouvelle période, une de plus, très troublée au Liban.
Nous atteignons la Corniche ou plus exactement Ain El Mraysseh puis la Corniche, qui longe non pas la plage mais la mer. Ce bord de mer prisé des Libanais et des touristes. Chacun s'y retrouve pour humer l'air de la mer, oublier le quotidien, déambuler seul, en famille, avec des amis. Faire son jogging, écouteurs sur les oreilles, en patins à roulettes, ou poser sa canne à pêche à même les rochers pour tenter d'attraper les quelques poissons qui surnagent encore dans l'eau polluée. Des courageux ou insouciants prennent même des bains, pendant que les moins téméraires restent sagement allongés à même les rochers ou s'offrent des transats installés sur les berges aménagées par des cafés. Les enfants jouent, les amoureux se promènent main dans la main. Face à la mer, de l'autre côté de la route, de beaux immeubles permettent là aussi aux plus aisés (Libanais ou étrangers) de s'offrir un beau point de vue sur la mer. On arrive à l'extrémité de la Corniche qui se termine par un café / restaurant le Plazza qui n'a de "Plazza" que le nom.. On descend quelques marches pour découvrir une grande salle toute simple avec des tables plus ou moins grandes, bordées de bancs qui donne accès à la mer et aux rochers sur lesquels ont installés à même le plancher, des tables et des chaises. Le consommateur déguste sa boisson, sa glace ou son repas les pieds dans l'eau ! à la tombée de la nuit, le clapotis des vagues et les embruns vous font oublier les tracas du quotidien et la proximité de la ville.