Orages Khalil Gibran

Orages de Khalil Gibran
Voici un texte de l’écrivain Libanais Khalil Gibran très connu pour être l'auteur du livre le Prophète. Pour ne pas être trop longue, 2 liens pour faire connaissance avec l'auteur Libanais
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gibran_Khalil_Gibran
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Proph%C3%A8te je trouve la fiche plus que succincte. 
Touchée par le livre le Prophète, j'ai poursuivi sur ce livre intitulé Orages, j'ai envie de dire "méconnu" écrit début du 20è siècle. Fiche Babelio
https://www.babelio.com/livres/Gibran-Orages/67005 
Je vous laisse ci-dessous cet extrait particulier et voyez ce qui résonne en vous en 2023, il y ait question de la Syrie (du début du 20è siècle), pays martyr avec d'autres surtout au Moyen Orient pendant que la pieuvre mondialiste étend ses bras à travers la planète. Extraits de Orages de K Gibran
Texte écrit durant la famine qui a dévasté le Proche-Orient au cours de la Première Guerre mondiale
"Les miens sont morts,
Seul et perdu je les pleure
Les miens ont disparu,
Ma vie est désormais un deuil infini.
Morts sont ceux que j'ai tant aimés,
Larmes et sang ont inondé les plaines de ma patrie,
Et, moi, ici, je vis comme avant,
Comme au temps où ma famille et mes amis étaient de ce monde,
Au temps où le soleil brillait sur les collines de mon pays.
Les miens sont morts,
La faim les a tués,
Et les armes ont achevé les rescapés.
Mais moi, je vis dans ce pays lointain, parmi des gens heureux.
Ils vivent dans l'opulence et le confort,
Ils sourient à l'avenir et l'avenir leur sourit.
Les miens sont morts, dans la souffrance et l'humiliation,
Mais moi, ici, je vis dans le confort et la paix.
Je suis malheureux, mon âme est accablée.
Si je souffrais la famine parmi les miens,
Si j'endurais l'humiliation qu'ils endurent,
J'aurais droit à la consolation du martyr
Ou à la fierté d'être innocent parmi les innocents.
Hélas, je suis si loin de mon pays,
Les sept mers me séparent des miens ;
Que puis-je pour eux ?
Rien,
Même pas l'honneur de les pleurer.
Je me trouve muet, misérable et sans volonté.
Si j'étais un épi de blé dans les plaines de la Syrie,
Ou un fruit mûr dans les vergers du Liban,
Une main m'aurait cueilli, éloignant d'elle le fantôme de la mort.
Je ne suis rien de tout cela,
Et je reste pitoyable face à moi-même et à la nuit.
On me dit : "le drame de ton pays fait partie de la tragédie mondiale. Les souffrances et le sang qui a coulé chez toi représentent si peu comparé à ce qui est versé dans le monde."
C'est vrai, sauf que,
Le drame de ma patrie est muet et sans témoins.
Le drame de mon pays vient de l'embryon maudit des vipères.
Celles qui rampent avides sur nos terres.
Si ma nation s'était soulevée contre ses dirigeants, j'aurais dit :"Celui qui meurt pour la liberté sera éternel. Tout comme elle."
Si ma patrie s'était engagée dans la folie meurtrière de la guerre des nations, j'aurais dit : "C'est l'orage, autant mourir dans la tempête que de vieillesse."
Si les séismes avaient détruit mon pays, enterrant sous terre tout ce qui était dessus, j'aurais dit :"Ce sont les forces de la nature et ses mystères."
Sauf que mon peuple n'est pas mort révolté ni guerrier.
Il n'y a pas eu de tremblement de terre.
Mon peuple est mort sur la croix.
Les bras tendus vers l'Orient et l'Occident.
Un sombre horizon se dressant pour tout paysage.
Ils sont morts en silence,
L'humanité était déjà sourde à leurs appels.
Mon peuple a péri,
Refusant de s'allier à ses ennemis comme un lâche,
Et de renier ses amis comme un ingrat.
Mon peuple a succombé parce qu'il n'était pas assassin.
Mon peuple est mort parce qu'il n'était pas injuste.
Mon peuple fut exécuté parce qu'il était pacifiste.
Mon peuple a péri de faim sur la terre du miel et du lait.
Mon peuple a péri car le serpent diabolique a tout dévoré, dans les champs comme dans les greniers.
Morts sont les miens,
A cause des vipères, filles de vipères ;
Elles ont empoisonné l'air jadis embaumé